Éthique et soutenabilité des industries
25-26 sept. 2025
IUT Mantes en Yvelines - Mantes en Yvelines (78) (France)
L'enjeu vise la fondation d'une nouvelle culture industrielle, capable de stimuler et de porter un mode de développement pouvant « répondre aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Brundtland, 1987). En d'autres termes, c'est l'ensemble du champ décisionnel des organisations industrielles qui est appelé à se métamorphoser : comment et quoi produire en prenant en compte les limites de la croissance établies par le rapport Meadows dès 1972 et de nos jours par le Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) ? avec qui, et selon quels principes et quels dispositifs d'organisation du travail ? selon quels objectifs économiques et sociétaux, et plus largement en fonction de quelles nouvelles équations de conciliation entre les intérêts privés et l'intérêt général ? Un débat persiste quant à savoir si nous vivons encore à l'ère de l'Holocène ou si nous sommes déjà entrés dans une nouvelle ère géologique, celle de l'Anthropocène (Carton & Valiorgue, 2023; Acquier, Mayer, & Valiorgue, 2024). Il existe néanmoins un consensus sur le fait que l'éthique industrielle soulève le défi d'inventer un nouveau rapport comportemental à l'activité productive permanente de l'Humanité, afin de garantir les conditions de sa survie, de sa cohésion et de son progrès — des enjeux aujourd'hui gravement compromis par les conséquences écologiques, sanitaires et sociales des anciens modèles industriels. Ce rapport inédit concerne fondamentalement les valeurs morales qui sous-tendent toutes les décisions prises, à tous les niveaux d'intervention, par l'organisation industrielle et ses acteurs. Le sujet est celui de ce que l'Industrie doit-être – en tant que force productive, qu'employeur, qu'inventeur et concepteur des technologies... - dans la double perspective déontique et axiologique : qu'est-ce qui s'avère nécessaire, et qu'est-ce qui s'avère estimable ? En conséquence, il convient d'assigner un objectif sociétal universel à l'éthique industrielle – un ou plusieurs « buts monumentaux » à accomplir – à partir desquelles la démarche peut prendre tout son sens et toute sa profondeur. Prescrire ce que l'Industrie doit-être, suppose en effet d'identifier au préalable ce à quoi elle doit se conformer. Or sur cet enjeu élémentaire, l'Industrie n'est pas libre de ses choix : son action est subordonnée à plusieurs réalités : naturelles tout d'abord, puisque toute production dépend du capital des ressources disponibles ; scientifiques ensuite, dès lors que la production se déploie au sein d'un cadre stricte de lois physiques ; économiques car le modèle choisi détermine en profondeur notre manière de produire ; politiques enfin, puisque ce sont les Etats qui, aux niveaux national et international, déterminent les objectifs (et les contraintes qui les accompagnent) à partir desquels l'Humanité imagine les modèles de société vers lesquels elle tend, aussi bien du point de vue économique, social, culturel que moral. Cet objectif sociétal universel, constitué par des « buts monumentaux » exogènes à l'Industrie, est communément désigné sous le terme de « Soutenabilité ». Il suppose à la fois des exigences de qualité et de durabilité, de robustesse (Hamant, 2023), qui (re)définissent les notions de performances, de progrès et de cohésion sociale. Il est à la fois un horizon et une restriction pour les trajectoires industrielles, en même temps qu'un ensemble particulièrement diversifié de défis techniques, technologiques, juridiques, socio-économiques, managériaux et philosophiques. Une réindustrialisation ancrée dans les territoires, soutenue par l'épargne locale et attentive aux contraintes écologiques et sociales est aujourd'hui possible. Par ailleurs, dans de nombreux travaux récents sur les modèles productifs, la dimension économique — la concurrence, la compétitivité — est trop souvent absente. Or, notre modèle économique détermine en profondeur notre manière de produire. C'est pourquoi l'industrie doit être pensée au service d'un projet de société, qui en fixe les finalités et les critères d'arbitrage. Une fois ce cadre clarifié, dessiner un outil productif cohérent devient une tâche moins incertaine — même si elle reste exigeante (Lluansi, 2024, 2025). L'éthique et la soutenabilité des industries se présentent ainsi comme des objets consubstantiels de recherche qui font intervenir toutes les disciplines scientifiques. Il s'agit d'observer et d'étudier des systèmes de valeurs morales (leurs substances, leurs effets comportementaux, leurs évolutions et leurs interactions), constitués au sein du monde industriel, aux fins de comprendre leur contribution à la réalisation d'un ensemble de buts monumentaux exogènes et impératifs et, le cas échéant, de proposer des trajectoires rectifiées de mise en conformité.
Discipline scientifique :
Sciences de l'Homme et Société - Sciences de l'ingénieur
Lieu de la conférence