Les identités plurielles des psychologues d'aujourd’hui

Trois quarts de siècle après que Daniel Lagache a publié “L'unité de la psychologie”, celle-ci apparaît aujourd'hui comme singulièrement plurielle, multiple, diverse voire divisée, malgré les tentatives d'une « psychologie intégrative » qui peine finalement à convaincre. Cette pluralité est à la fois ontologique (de la clinique du sujet à la psychologie existentielle, en passant par la psychologie positive ou la psychologie interculturelle – psychologie sociale et organisationnelle), méthodologique (approches qualitatives, quantitatives, mixtes, inductives, expérimentales), praxéologique (psychothérapies, investigations/évaluations, accompagnements, conseils, suivis individuels ou groupaux, approches systémiques), épistémologique (métapsychologie freudienne ou structuralisme lacanien, objectivation neuroscientifique, apports psychosociologiques, modèles de la psychologie sociale, retour du behaviorisme, pragmatique de l'interaction) et thématique, entre courants centrés sur un objet (tel ou tel âge de la vie, travail, couple, santé, traumatisme, environnement, délinquance) et courants centrés sur une technique (psychanalyse, psychothérapies, approches dialogiques, psychométrie). Cette diversité s'exprime aussi dans les secteurs et formes d'activité des 70 000 psychologues français : psychiatrie, établissements hospitaliers, établissements et services médico-sociaux, gérontologie, handicap, justice, éducation, emploi, orientation, bilan de compétences, organismes de formation et d'insertion, enseignement et recherche, etc. ; en tant que salarié, profession libérale, ou bénévole. Ceux-ci ne parviennent dès lors pas à s'entendre, ni quant à un éventuel conseil de l'ordre, ni quant aux pourtours de leur expertise (titre de psychothérapeute, remboursement des consultations), ni quant au niveau d'études requis (Master, Bac+6, Doctorat d'exercice). La psychologie n'a pas fini d'assimiler ses deux héritages antagonistes, à savoir la médecine et la philosophie (Lagache était, comme ses pairs de l'époque, médecin et philosophe puisque la psychologie n'existait pas encore en tant que telle) ? - D'une part, elle est désormais affectée (ou enrichie ?) du recouvrement des disciplines, depuis déjà quelques décennies, par celles qui lui sont cousines : sciences de l'éducation (histoires de vie, psychopédagogie), sociologie (microsociologie, sociologie clinique) et anthropologie (égo-écologie, psychiatrie transculturelle). D'autre part, elle est depuis peu menacée en son centre (ou augmentée ?) par l'Intelligence Artificielle et les chatbots, ces « robots conversationnels » potentiellement substitutifs aux interventions humaines des psychologues. Enfin, elle est de longue date souvent confondue par le public avec maintes pratiques spiritualo-corporelles, parfois ésotériques, parfois opérantes (l'un n'excluant pas l'autre), dont elle peine à se distinguer, fût-ce par sa scientificité : développement personnel, hypnose, sophrologie, yoga, brain-gym, etc. C'est pourquoi ce premier colloque de l'École de Psychologues Praticiens vise à croiser les praxis et poïesis des psychologies contemporaines autour de quatre axes problématiques, sous la forme de conférences plénières, d'ateliers de communications basés sur les pratiques et de symposia issus des travaux de recherche internationaux les plus actuels : 1/ La « pluriversité » des psychologies d'aujourd'hui : un enjeu pour « l'Université » et les organisations. 2/ Les identités plurielles du psychologue : de la diversité des approches au risque de la fragmentation ? 3/ Relativités des conceptions : quelles psychologies pour quels sujets et quelles sociétés à venir ? 4/ Les parcours variés des psychologues tout au long de leur vie : une recherche de compromis entre science, pratique et dilemmes éthiques.