Épistémologie sociale dans l’organisation des connaissances
19-20 oct. 2023
Université Jean Moulin Lyon3 - Campus Manufacture des Tabacs - Lyon (France)
https://isko-france2023.sciencesconf.org
Lyon a accueilli deux fois le chapitre français d’ISKO, le premier en 1999, en traitant la thématique
de «L’indexation à l’ère d’internet” puis le second en 2009 ; ce 7e chapitre («Intelligence collective
et organisation des connaissances”) avait abordé cette question autour des aspects sociétaux de
l’organisation des connaissances en lien avec l’avènement du web dit « social » . Dans la
continuité de ces chapitres, le treizième colloque lyonnais d’ISKO-France a comme ambition
d’ouvrir aux chercheurs un espace de réflexion quant à la dimension sociale dans l’organisation
des connaissances au regard de la généralisation du numérique au sein de la société, mais non
exclusivement. L’épistémologie sociale est définie comme étant « une analyse de la dimension
sociale de la connaissance » (Conein, 2007). D’autres théoriciens, tels que Margaret Egan (Egan
& Shera 1952), l’envisagent comme l'étude des moyens par lesquels une société parvient à une
relation de compréhension avec son environnement ; cette perspective épistémique est présente
dans différents domaines SHS par exemple les ethnosciences pour les savoirs et les
classifications populaires dans les années 50 (Bromberger, 1986) ou encore la distance toute
relative entre savoirs profanes et savoirs scientifiques à une période plus contemporaine
(Barthélémy 2005).
De fait, (Dick, 2002) explique que l’épistémologie sociale s’est développée à la fois à l'extérieur
et à l'intérieur de la discipline des sciences de l'information, elle est fondamentale pour une théorie
des sciences de l’information et des bibliothèques. Ainsi, pour renforcer la base théorique de la
discipline, il peut être intéressant/utile d'identifier un certain nombre de courants ou de domaines
d'intérêt thématiques pour l'épistémologie sociale. Le point de vue de Shera est représenté par
toute une famille d'approches, notamment l'analyse des domaines (Domain Analysis), la
philosophie postmoderne, la théorie des paradigmes, l'herméneutique, la théorie critique et
l'épistémologie féministe. L’approche du Domain Analysis (Hjørland et Albretchen 1995),
constitue un des exemples éclairants de l’épistémologie sociale dans l’organisation des
connaissances ; il implique que la description du sujet d’un document doit prendre en compte
l’usage social des documents. En effet, selon cette approche, la pertinence de la description par
sujet doit être dirigée par la connaissance approfondie du domaine, des méthodes de recherche,
ainsi que des besoins des utilisateurs cibles.
Cette approche repose par ailleurs sur la production sociale des catégories et des domaines de
connaissances. Elle rassemble un réseau de chercheurs dans le monde tels que Hjørland,
Albrechtsen, Smiraglia, Tennis, Ritzer, Thellefsen, Guimarães, Martinez-Avila, parmi d’autres, qui
remettent l’organisation disciplinaire des connaissances telle qu’elle a été pensée dans les
théories de la connaissance. Cette approche constitue un apport fondamental dans le champ
des sciences de l’information et des bibliothèques. Elle s'intéresse davantage à l'environnement
qu'à l'utilisateur, et à son effet sur les individus, en tant que membres de cultures, domaines et
de systèmes documentaires distincts. L’approche théorique de Shera (1951, 1961), peut, avec le
recul - et avec une méthodologie plus développée - s'avérer être un cadre théorique fructueux
pour la théorie de la classification, l'organisation des connaissances et la gestion des
connaissances. A l’instar de la réflexion de Conein (2007) sur les TIC et l’épistémologie sociale,
pour qui, il s’agit de préciser ce que recouvre le « social ». S'agit-t-il de la collaboration, d’une
mise en commun ou plutôt d’une dimension interactive ? Ainsi, se pose la question pour lui des
modes d’acquisition des connaissances et la façon dont les artefacts divers (documents écrits,
système d’information, etc.) contribuent différemment à l’échange de connaissances et à leur
conservation et dissémination.
Bien que l'épistémologie sociale doive avoir son propre corpus de références théoriques, elle
doit être également interdisciplinaire dans sa forte dépendance à l'égard de nombreux domaines
- sociologie, anthropologie, linguistique, psychologie, mathématiques et théorie de l'information,
pour ne citer que quelques-uns des domaines les plus visibles. Dans leurs efforts pour construire
les fondements théoriques des études des Sciences de l’information et des bibliothèques, les
chercheurs se sont inspirés de diverses conceptions de l'épistémologie sociale, de la justice
sociale et de la justice épistémique (Furner, 2018) et de l’organisation des connaissances
autochtones (Nakashima 1993 ;Grenier, 1998) entre autres. La description de la théorie de la
classification qu’on attribue à Shera (1951) plaide explicitement pour une compréhension
pragmatique et contre l'idée d'un « ordre fondamental de la nature » et la croyance qu'il existe
une classification unique, universelle et logiquement divisée de la connaissance.
Bien des phénomènes nous sont connus souvent par l’intermédiaire des autres et donc l’accès
à la connaissance passe ainsi par une multiplicité de canaux directs et indirects médiatisés ou
non. Alvin Goldman (2021) souligne qu’historiquement, les individus ont souvent été encouragés
à rechercher la connaissance en partant de leur propre esprit et en procédant dans un esprit
hautement individualiste. En revanche, précise-t-il, la période contemporaine révèle un
mouvement vers l’épistémologie sociale incitant les individus à chercher des connaissances à
partir du savoir des autres. Ce point vient interroger les notions d’autorité, de légitimité dans la
production, la circulation et la validation des connaissances au regard des utopies documentaires
(Rayward 1994). Il invite également à interroger les relations entre imaginaires et technologies
(circularité, intersection, recoupement, etc.) et leurs influences sur le social et plus
particulièrement sur l’évolution des conduites et activités humaines.
Discipline scientifique :
Informatique - Sciences cognitives - Sciences de l'Homme et Société - Anthropologie sociale et ethnologie - Education - Sciences de l'information et de la communication - Philosophie - Science politique
Lieu de la conférence